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Lectures de lettres de poilus

Le vendredi 9 octobre 2020, En 3ème D et en 3ème A, le professeur de théâtre de Sainte-Thérèse a réalisé une lecture vivante de lettres de poilus, certaines confiant leurs sentiments affectueux à l'égard de leur épouse ou de leurs parents, d'autres dépeignant l'horreur de la guerre, l'ennui dans les tranchées, etc ... sous les regards attentifs et, pour certains, émus des élèves.

En voici un exemple :

 

René Jacob est né, le 19 juillet 1887, à Bussy-en-Othe dans l’Yonne, d’un père charron. Boulanger dans son village, il est marié à Lucie et le couple a trois enfants dont l’aînée a 8 ans. Il écrit en 1915

Comment décrire ? Quels mots prendre ? Tout à l'heure nous avons traversé Meaux, encore figé dans l'immobilité et le silence, Meaux avec ses bateaux-lavoirs coulés dans la Marne et son pont détruit. Puis nous avons pris la route de Soissons et gravi la côte qui nous élevait sur le plateau du nord … Et alors, subitement, comme si un rideau de théâtre s'était levé devant nous, le champ de bataille nous est apparu dans toute son horreur.
Des cadavres allemands, ici, sur le bord de la route, là dans les ravins et les champs, des cadavres noirâtres, verdâtres, décomposés, autour desquels, sous le soleil de septembre, bourdonnent des essaims de mouches ; des cadavres d'hommes qui ont gardé des pauses étranges, les genoux pliés en l'air ou le bras appuyé au talus de la tranchée ; des cadavres de chevaux, plus douloureux encore que des cadavres d'hommes, avec des entrailles répandues sur le sol ; des cadavres qu'on recouvre de chaux ou de paille, de terre ou de sable, et qu'on calcine ou qu'on enterre. Une odeur effroyable, une odeur de charnier, monte de toute cette pourriture. Elle nous prend à la gorge, et pendant quatre heures, elle ne nous abandonnera pas. Au moment où je trace ces lignes, je la sens encore éparse autour de moi, qui me fait chavirer le cœur. « Champ de bataille », ai-je dit plus haut. Non, pas champ de bataille, mais champ de carnage. Car les cadavres, ce n'est rien. En ce moment, j'ai déjà oublié leurs centaines de figures grimaçantes et leurs attitudes contorsionnées. Mais ce que je n'oublierai jamais, c'est la ruine des choses, c'est le saccage abominable des chaumières, c'est le pillage des maisons ...

 

René Jacob

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Pour aller plus loin, en parallèle, le professeur de français de ces deux classes a proposé, en guise de lecture cursive, l'ouvrage suivant :  

Paroles de poilus : lettres et carnets du front, 1914-1918, livre de Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume.

Enfin, suite à l’étude d’un corpus de lettres de poilus en cours de français, les élèves ont participé à un atelier d'écriture, dont voici les consignes, ainsi que quelques textes d'élèves, sélectionnés par leur professeur.

 

Atelier d’écriture au choix sur le thème de la Première Guerre mondiale :

 

- Ecrire un texte sensoriel (rappelant le bruit de la guerre, l’odeur de mort, le toucher de la boue …). Jouer sur les onomatopées, les couleurs, etc...

 

- Ecrire un texte sur la déshumanisation : la rage dans les veines, la soif de tuer, l’homme qui devient une bête, « l’homme est un loup pour l’homme » …

 

- Ecrire un texte sur le manque, l’absence, le vide, l’ennui.

La rage est dans mes veines

La mort massacre sans peine.

La soif d’exister

Nous fait résister.

Le soleil se montre

Alors qu’il a honte.

La nourriture devient un mirage

Ainsi, notre peur se transforme en rage.

L’homme n’est plus un humain,

J’en oublie même mes mains.

Les armes créent l’horreur

Seuls, nos proches en pleurent,

L’amour est oublié

Nous ne sommes plus aimés.

La guerre est effroyable et impitoyable !

 

Quentin PIRAO


Au front, le tac tac des mitrailleuses est omniprésent. Les boum des obus empêchent la concentration, et les bavardages constants brouillent les communications importantes. Les cris des hommes et des chevaux face aux blessures sont abominables. Les grenades avec leur bruit assourdissant font voltiger les soldats.

 

Guéorgui DITCHEV et Pierre RIVET

 

La guerre, c’est la mort, la guerre, c’est noir, la guerre, ça pue. Les soldats ne sont plus que des corps vides sans âme qui ne cherchent plus qu’à tuer en oubliant les raisons pour lesquelles ils se battent, sans savoir quel père , quel fils, quel oncle, quel frère, ils viennent de fusiller. Ils sont pareils aux chiens de chasse lâchés dans la forêt pour piéger la biche fuyante.

 

Alexis DUMAREIX

 

Le 10 octobre 1916

 

Ma chère petite femme,

 

Oh que je m’ennuie ! Voilà cinq heures que le combat a cessé, mais les bruits des balles résonnent toujours dans ma tête ! Rappelle-toi quand on promenait les enfants, dans le parc Napoléon … Que ça me manque de te serrer dans mes bras ! Ici, il n’y a que du vide : tous les cris et les rires d’enfants se sont tus dans ma tête ! Il n’y a que des cadavres allongés sur le sol par milliers. Les soldats dépriment, les jeux ne les intéressent plus. Que faire ? Attendre encore et encore. L’ennui est palpable. J’embrasse mes chers enfants, ainsi que toi, mon amour. Je vous envoie mes plus beaux baisers, et je prie pour que ce ne soit pas les derniers !

 

Clémence HELFRE et Davy ANG

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